APRES MEIN KAMPF, MES CRIMES, documentaire-fiction réalisé en 1939, alors que le terme lui-même n'existait pas.
Le seul film antinazi produit par la France qu'il faut voir dans le contexte de l'époque.
En septembre 1939, après la déclaration de guerre du gouvernement Daladier à l'Allemagne nazie, le Commissariat à l'Information demande à Jacques Haïk de produire un film à charge contre Hitler.
Alexandre Ryder, qui a pris pour l'occasion le pseudonyme symbolique de Jean-Jacques Valjan, le réalisera.
L'Archevêque de Paris, le Cardinal Verdier, a accepté d'y paraître spécialement pour flétrir, dans un langage d'une émouvante grandeur, les excès du racisme et les horreurs du régime nazi.
Le film est programmé à l'Olympia le 9 mars 1940.
Les troupes allemandes entrent dans Paris le 14 juin. Le film sera interdit, toutes les copies détruites.
Un document sociologique. Histoire de la vision que l'on pouvait avoir d'Hitler et de ses séides en 1939.
Le générique du film:
Durée: 84 minutes
N° RPCA : 780
Un aperçu de la presse de novembre 1939:
DANS UN BUREAU TRANSFORME EN STUDIO : J"ai vu tuer Röhm, Von Schleicher, le Chancelier Dollfuss...
- Je ne savais vraiment pas tout ce que j'allais découvrir d'horreur et de trahison lorsque j'ai commencé ce film nous confie le metteur en scène.
- et il ne mourût point. La seconde je crois bien fut vis à vis des juifs car ses vingt ans faméliques ne furent nourris à Vienne que dans les refuges entretenus de ses deniers par l'israélite baron de Koenigswarther.
N° RPCA : 780
DANS UN BUREAU TRANSFORME EN STUDIO : J"ai vu tuer Röhm, Von Schleicher, le Chancelier Dollfuss...
Par Doringe
Pour Vous, n° 573, 8/11/1939
- Je ne savais vraiment pas tout ce que j'allais découvrir d'horreur et de trahison lorsque j'ai commencé ce film nous confie le metteur en scène.
«Voici donc le travail repris.
Après Menaces, ex Cinq jours d'angoisse, et Frères d'Afrique, film commencé entre
deux-guerres et terminé depuis, et avant Pourquoi
nous combattons, que va réaliser Léo Joannon, le premier film du temps de
guerre est en chantier. C'est, nous l'avons décrit ici même, APRES MEIN KAMPF, MES CRIMES de
José Lacaze pour le scénario et pour la mise en scène de Jean-Jacques Valjan,
pseudonyme qui trahit trop clairement les préférences littéraires et sociales
pour n'être pas du même coup antinazi. Les techniciens qui ont repris le
travail sont Géo Blanc, opérateur, Hawalier ingénieur du son, Georges,
photographe, Tytis, régisseur et André Dugès, directeur de production. Puissent
tous leurs camarades suivrent bientôt
Le film démarre en 1918, après
l'Armistice, alors que les anciens combattants allemands ont fait le serment de
ne jamais remettre ça...
La première trahison d'Adolf Hitler remonte
loin : il était un bébé si chétif que la médecine le condamna
- et il ne mourût point. La seconde je crois bien fut vis à vis des juifs car ses vingt ans faméliques ne furent nourris à Vienne que dans les refuges entretenus de ses deniers par l'israélite baron de Koenigswarther.
Nous prenons réellement notre
horrible héros en 1932 lorsqu'il parvient sur le terrain politique. Des
documentaires montrent son ascension et témoignent qu'elle est due à la finance
qui le pousse contre le communisme.
Bien entendu, il a lâché ses protecteurs.
Sur pièces authentiques, nous avons reconstitué des scènes palpitantes : la
Saint-Barthélémy nazie, l'assassinat de Röhm, celui du général Von Schleicher
et de sa femme, l'accusation de Van der Lubbe, rôle interprété par Alain Cuny,
pseudo-incendiaire du Reichstag (qui n'était qu'un épisode du plan d'ensemble
permettant de se débarrasser à la fois de protecteurs devenus gênants et de
communistes opposants), l'assassinat du Chancelier Dollfuss... - II me semble
que cinéma et radio, une fois de plus, se rencontrent et se complètent
utilement. Nous avons récemment écouté sur les ondes « Affaires criminelles », une émission qui
évoquait sept crimes du Führer, choisi parmi bien d'autres et dont vos images
vont renforcer l'horreur tragique... - Toutes les scènes de reconstitution qui
relient les documentaires ont été tournées dans des intérieurs véritables.
Nous
n'avons pas fait un jour de studio. L'assassinat de Röhm a été filmé dans la
cave d'une villa ; Pierre Labry s'est fait le visage de l'infortuné
collaborateur du Führer, jusque et y compris la cicatrice qui le marquait. Amato
fut le sous-lieutenant chargé du meurtre. L'assassinat de la famille Von
Schleicher fut tourné dans la salle à manger de cette même villa. Si ce procédé
oblige à un important déplacement de matériel, il a pour lui l'avantage
d'écarter toute idée de décor, de donner un cadre vrai, chose fort importante
pour des scènes reconstituées qui devront être intercalées dans des
documentaires. Le général Von Schleicher, c'est Jack Henley, sa femme, c'est
Sandra Milowanoff, grande vedette du muet qui se montre dans ce rôle d'une
émouvante sensibilité. Leur fille, c'est Jacqueline Noël, une élève de
Mihalesco, de qui sans aucun doute les débuts seront tort remarqués car elle a
beaucoup de talent, ainsi que son camarade de cours André Valmy, qui incarne
Herschel, le petit tailleur juif meurtrier de l'attaché d'ambassade Von Rath
lui-même.
Il fallait de l'argent neuf au Führer : un agent de la gestapo
embauché comme ouvrier chez l'oncle de Herschel, tailleur à Paris, poussât le
gamin à ce meurtre profitable pour le parti nazi puisqu'il allait permettre de
faire peser sur les juifs une lourde taxe exceptionnelle. L'utilité des espions
et des agents provocateurs est bien connue d'un homme qui pour le compte de la
Reichswehr remplit lui-même cet emploi auprès du parti ouvrier allemand. Le
Gestapo-tailleur, c'est Mihalesco, excellent. Pendant que nous parlions, tout a
été préparé dans le bureau voisin, pour l'agonie de Dolfuss.
Voulez-vous y
assister ?
Nous nous livrons à une débauche de crimes depuis quelques jours
mais puisque nous retraçons la carrière d Adolf Hitler… Dans le bureau où tombe le crépuscule, un
homme est allongé sur le canapé de cuir. Une manche de sa chemise est arrachée
et sa main droite penche, pendante, touche le sol, du sang coule sur son bras,
les projecteurs creusent son visage et mettent la lumière où il faut pour que
l'ombre de la mort trouve sa place sur ces traits d'homme vivant.
Dollfuss
était petit, Dalmais qui l'incarne est debout sensiblement de la même taille.
Etendu, il paraît presque grand.
Comme c'est grand, un mourant ! Si endurci
qu'aurait pu être l'assassin du petit chancelier, quel souvenir immense,
écrasant, il a du garder de sa victime. Il est ici, l'assassin, ou du moins son
double cinématographique, en uniforme réséda et en casque. L'agonisant parle
tout bas, tout bas... Nous n'entendons rien mais le public entendra, comme
Hawalier entend, là-bas, au bout de l'appartement, cette supplication confiée
au micro. Je lui ai ordonné de désigner Rimtelen comme successeur, m'explique
l'homme du Führer, il refuse et en ce moment, il me répond qu'on voudrait
Schuschnigg. Le bourreau réfléchit une minute et conclut mélancolique : « A la
lueur des événements, il est bien permis de dire aujourd'hui que cet espoir
déçu n'avait aucune importance. »
On
ferme les rideaux : le déroulement de l'action et les prescriptions de la
défense passive sont d'accord pour l'exiger. Le moribond que son bras pendant
fatigue joint les mains sur son ventre pendant qu'on règle les lumières. Le
cinéma chassé par l'histoire reprend ses droits pour quelques minutes. Nous
avons revu la girafe et les micros, et les fils et les spots.
Nous avons entendu à nouveau les moteur, ça tourne, coupez familiers
en des temps plus heureux, sur fond de trahison et de crimes qui vont faire du
public comme du monde entier un jury unanime.
La vie recommencera. »
HITLER AU CINEMA
Par Jean Vignaud
Ciné-Miroir/Novembre 1939
« Nous apprenons par les agences qu’Hitler,
l’homme sans honneur, le monstre de l’Europe, qui bientôt sera considéré par
toutes les nations comme l’Antéchrist, comme le Dieu du mal sur la Terre,
termine ses journées par une petite séance de cinéma.
Une séance privée, car j’imagine que sa présence dans
n’importe quelle salle publique de Berlin causerait un certain malaise. Il
s’enferme donc dans une petite salle en tête à tête avec son film préféré
et ce film, qui fait sa dilection, est
précisément un documentaire sur une des actions les plus honteuses qu’il
ait commises, puisqu’il représente l’envahissement par les troupes allemandes
de la Pologne.
On dit que l’assassin qui a commis un crime est
irrésistiblement attiré par le lieu où s’est déroulé son forfait, où l’on
retrouve les traces du sang qu’il a répandu. Adolf Hitler agit comme ces
criminels.
Il lui faut revoir les villes bombardées par ses
avions ou ses canons à longue portée, les enfants déchiquetés par les bombes,
les femmes tombant sur la route sous les balles de ses mitrailleuses.
C’est le
spectacle du propre carnage qu’il a organisé qui lui cause un indicible
plaisir.
Je ne crois pas qu’il ait dans ce monde un être qui soit
tombé aussi bas moralement que lui (…)
« Les plaisirs qu’il prend au cinéma sont d’un
sadique et d’un fou. Mais il ne se rend pas compte que, précisément, c’est
cette folie de meurtre qui le poursuivra, qui s’acharnera sur lui jusqu’à son
dernier jour. Si ce n’était pas un homme aussi cruel, aussi conscient du mal
qu’il crée, on serait tenté de le plaindre. Mais il déploie trop de malignité,
trop de férocité dans toutes ses actions pour qu’on ne le traite pas comme une
bête ignominieuse qui déshonore le monde par sa présence.
Laissons-le en tête à tête avec son documentaire sur
la Pologne, car il enseigne à l’assassin comment il finira lui-même ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire